jeudi 31 janvier 2008

Résidence du Bonheur


Résidence du Bonheur

Ô santé ! santé ! bénédiction des riches, richesse des pauvres ! qui peut t’acquérir à un prix trop élevé, puisqu’il n’y a pas de joie sans toi ?
Ben Jonson (Volpone)

Chaque semaine depuis près de onze ans, je me rends à la Résidence du Bonheur, résidence pour personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Au son du carillon, ils sont un petit groupe à s’agglutiner devant la porte, dans l’espoir de pouvoir sortir. Je suis accueillie par un grand monsieur tout souriant qui me fait voir son petit album de photos d’autos des années 1920. Cet album qu’il montre fièrement à tout nouveau venu, il me le montre toujours comme si c’était la première fois.

Je me joins à quelques personnes qui font les cent pas à longueur de journée. Je bavarde avec elles sans comprendre un traître mot de leurs réponses. Comme elles me sourient, j’en conclus qu’elles sont satisfaites. On me reconnaît de vue, mais je dois me nommer et répondre toujours aux mêmes questions. Chaque semaine, nous faisons une activité différente : jeu de quilles en plastique, jeu de poches, bingo pour les plus aptes. Et ça se termine toujours par des chansons.

Régulièrement, nous accueillons des musiciens-chanteurs. C’est un plaisir de faire danser nos vieux au son de la musique. Quelques fois, pour certains, la musique fait remonter des souvenirs qui les font pleurer.

Au fil des ans, j’en ai vu partir plusieurs à petit feu. C’est toujours un ami qui s’en va.

Je sais que chaque semaine je leur apporte un peu de bonheur, ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’ils me le rendent bien.

vendredi 25 janvier 2008

À force...

(Jeune homme d'avenir)


À force…

À force de vouloir, on réalise
À force de travail, on réussit
À force d’espérance, on vit
À force d’aimer, on combat la haine
À force de persévérance, on obtient
À force de courage, on vainc les épreuves
À force de détermination, on arrive au but
La force de tout cela, la satisfaction.

dimanche 20 janvier 2008

Intimité


Intimité

Un homme est mort sur ma rue,
Sa maison a été vendue,
On a mis ses affaires au chemin,
Toutes ces choses qui faisaient son quotidien.
Ces objets remplis d’amour
Étalés au grand jour,
Les chacals vont se régaler
Avant que les éboueurs ne soient passés.
J’ai marché comme à l’ordinaire
Aussi gênée de regarder que de ne pas le faire,
J’avais l’impression d’entrer dans son intimité
Sans avoir été invitée.

mercredi 16 janvier 2008

L'amitié


L’amitié

Tout au long de notre vie, nous côtoyons des personnes qui nous plaisent, avec qui nous faisons un bout de chemin. Puis la vie qui donne reprend. Les obligations, le travail, la famille nous éloignent de ceux qui furent notre intérêt. Car l’amitié tout comme l’amour demandent de l’entretien. Plus on avance en âge, plus les amis véritables sont une richesse à laquelle on tient.

Voici ce que disait beaucoup mieux que moi Rutebeuf :

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Je crois qu’ils sont trop clairsemés,
Ils ne furent pas bien semés
Le vent, je crois, les a ôtés,
L’amour est morte…

Durant le temps qu’arbre défeuille,
Qu’il ne demeure en branche feuille
Qui n’aille à terre…

Et froid au cul quand bise vente,
Le vent me vient, le vent m’évente,
Et trop souvent
Plus d’une fois je sens le vent…

Ce sont amis que vent emporte,
Et il ventait devant ma porte,
Aussi les emporta...

Rutebeuf (vers 1260)

vendredi 11 janvier 2008

Si j'ai blessé quelqu'un...


Si j’ai blessé quelqu’un…

Quand j’ai commencé à faire du pastel, j’ai voulu écrire ce que représentait pour moi le dessin. Mon pastel précédent me faisait penser à un départ. Comme je suis mariée depuis bientôt quarante-quatre ans, je ne pouvais pas parler d’un départ amoureux. J’ai alors pensé au départ de mes enfants.

Dès la naissance de mon premier enfant, j’ai décidé que je resterais à la maison pour élever mes enfants. J’ai subi l’opprobre de toutes ces nouvelles femmes émancipées qui me laissaient entendre que j’étais dépendante et entretenue. C’était au point où je ne savais plus quoi écrire quand on me demandait ma profession : « ménagère ».

Alors bien sûr, quand mes enfants sont partis, le choc a été grand. C’était mon œuvre, le travail et l’amour de toute ma vie.

Une génération me sépare des femmes d’aujourd’hui qui voient partir leurs enfants. Elles ont un emploi, plusieurs les élèvent seules, les conditions ne sont pas les mêmes. Je ne doute pas que leur amour maternel soit comparable au mien.

À soixante-cinq ans, je veux pouvoir écrire mes émotions au même titre que les plus jeunes, parce que mes intentions ne sont pas de blesser, mais de m’affirmer en tant qu’être humain pendant qu’il est encore temps.

mercredi 9 janvier 2008

Départ

(D'après l'oeuvre originale de Sandra Burshell)


Départ

L’absence est à l’amour ce qu’est le feu au vent. Il éteint le petit, il allume le grand.
(Bussy-Rabutin)

Les départs ne sont pas les mêmes pour tout le monde. J’ai eu la chance, je dis bien la chance, d’avoir mes enfants avec moi jusque dans la vingtaine, le temps qu’ils terminent leurs études. Et chacun de leurs départs a créé un grand vide dans la maison.

Il y a des jours où je m’ennuie de quand la maison était vivante. Je m’ennuie d’entendre leur musique, leurs taquineries entre eux, de voir leurs manteaux traîner sur la rampe d’escalier, leurs discussions autour de la table. Cet air de jeunesse qu’ils apportaient dans la maison.

À chaque départ, c’est une partie de moi qui s’en allait. Heureusement, ils ne sont pas très loin et reviennent souvent. Et j’ai deux petits-enfants qui comblent la mère poule que je suis.

samedi 5 janvier 2008

Cap au Diable


Cap au Diable

Témoin de centaines d’années d’histoire,
Spectateur impuissant durant la conquête
Qui embrasa plusieurs villages de son territoire,
Il est là, imposant et hautain,
Le nez pointé vers le fleuve sans fin
Qui flaire les vents du nordet,
La marée haute baigne son pied
Basse elle le laisse triste et vaseux.

Son nom lui fut donné par Jacques Cartier
Le bruit du vent sur le cap effrayait ses marins
Qui craignaient la fureur des démons.

C’est par une pente à pic qu’on l’escalade
Sillonné de petits sentiers piétinés par l’homme,
Fier de sa liberté, fier des sapins qui le gardent au frais l’été,
De son sommet la vue sur le fleuve est magnifique
Et nous permet d’assiter au grand spectacle du coucher du soleil.

Assistant impassible de toute une lignée de pêcheurs d’anguilles et de chasseurs de petits gibiers,
Il est l’orgueil de son comté.
Quand l’hiver le recouvre de son grand manteau blanc,
Tout Kamouraska frissonne pendant six mois.